Zapatistes, Chronique d'une rébellion (3/4) : La Otra Campaña

mercredi 31 mars 2010

En juillet 2000, Vicente Fox Quesada du PAN (Parti d'Action National) est élu à la présidence de la république mexicaine, mettant ainsi un terme à 71 ans de règne du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionel). Le 1er décembre 2001 Fox entre en fonction, et sûr de lui annonce qu'il résoudra le problème du Chipas en "un quart d'heure". Le 2 décembre l'EZLN pose trois conditions à la reprise du dialogue de paix avgec le gouvernement :

- Le respect des Accords de San Andrès
- La libération de tous les prisonniesr zapatistes
- Le retrait de l'armée fédérale de 7 des 259(!) positions qu'elle occupe au Chiapas

Pour appuyer leur revendication et venir defendre devant le parlement la loi en faveur de la reconnaissance de la culture et des doits indigènes, l'EZLN organise une grande marche en direction de Mexico. Durant 15 jours (24 fevrier - 11 Mars 2001), cette délegation dont faisaient parti les 23 commandants de l'EZLN ainsi que leur porte parole le sous-commandant Marcos, a parcouru 12 états mexicains. Après son arrivée à Mexico, la délégation a attendu d’être reçue au Parlement. Au bout de deux semaines d'attente, les zapatistes annoncent qu’ils repartent dans leurs communautés, puisque les hommes politiques refusent d’écouter leur message. Finalement, le Parlement les invite à parler à la tribune du Congrès de l’Union, le 28 mars 2001. Contrairement aux attentes, ce n’est pas Marcos qui se présente à la tribune ce jour-là, mais une délégation exclusivement indienne. C’est la commandante Esther qui prononcera le discours principal, employant des paroles simples mais fortes. Une loi est donc votée le 28 avril suivant, mais qui trahit les accords de San Andres puisqu'elle ne reconnaît pas le territoire des communautés et les indigènes ne sont pas reconnus comme sujets de droit public. Le président Fox s'est cependant aussitôt félicité du vote de cette loi et a déclaré, enthousiaste, que le conflit armé est désormais terminé et que l'allégresse emplit le cœur de chacun des Indiens du Mexique. Cela pour duper l’opinion nationale et internationale, et afin de pouvoir rejeter la faute de l’enlisement de la situation sur les zapatistes, en les qualifiant d’intransigeants. Dans un communiqué du 30 Avril, L'EZLN rejette la rèforme votée par le parlement et interrompt tout contact avec le gouvernement fédéral jusqu'à l'acomplissement des trois signaux de paix...

La commandante Esther à la tribune du Congrès de l'Union

A la fin de juillet 2003, l’Armée zapatiste de libé
ration nationale apporta des changements à sa structure : elle mit fin aux cinq Aguascalientes, qui avaient fait office de centres politiques et culturels pendant neuf ans (ces centres avaient été baptisés de ce nom en hommage à la Convention d’Aguascalientes de 1914, qui avait réuni les principales factions révolutionnaires et troupes de Zapata, Villa et Carranza pour discuter de l’avenir politique du Mexique). C'est ainsi que les Aguacallientes furent remplacés par les Caracoles (Les Escargots). Chaque Caracol a été doté d’un conseil de bon gouvernement, premier organe officiel d’administration des communes autonomes. Un bâtiment a été construit pour chaque conseil afin qu’il puisse fonctionner. Les conseils reçurent pour principale consigne celle de « commander en obéissant ». On les chargea de régler les problèmes de la communauté et d’être un pont entre elle et le monde extérieur. On leur confia la charge de parer aux différences de développement observées entre les communes autonomes et les communautés, et d’intervenir dans les conflits qui surgiraient tant entre les communes autonomes qu’entre ces dernières et les communes officielles. Ils avaient aussi pour fonction de prêter soigneusement attention aux plaintes émises contre les conseils autonomes pour cause d’infraction aux droits humains, en étudiant les cas, en faisant des enquêtes et en trouvant une façon appropriée de répondre aux plaintes et de rectifier les anomalies. Les conseils de bon gouvernement sont chargés de ce qui suit : veiller à la réalisation des projets et tâches communautaires dans les communes autonomes ; développer le soutien aux projets communautaires ; s’assurer de l’application des lois zapatistes ; seconder et guider la société civile au cours des visites dans les zones rebelles ; encourager les projets productifs ; installer des camps de la paix ; effectuer des enquêtes dans l’intérêt des communautés. Il leur appartient en outre de promouvoir et approuver – d’un commun accord avec le Comité clandestin révolutionnaire indigène – Commandement général EZLN (CCRI-CG) – la participation de membres des communes autonomes à des activités en dehors des communautés rebelles. Les zapatistes décidèrent de placer les conseils sous la coupe du CCRI-CG de l’EZLN pour surveiller leur fonctionnement et éviter les actes de corruption ou d’intolérance, les comportements arbitraires, les injustices et les dérives à l’égard du principe « commander en obéissant ».

L'Autre campagne : nous invitons les indigènes, les ouvriers, les paysans, les professeurs, les étudiants, les maitres de maison, les petits proprietaires, les petits commerçants, les micro-entrepreneurs, les retraités, les handicapés, les religieux et religieuses, les scientifiques, les artistes, les intellectuels, les jeunes, les femmes, les anciens, les gays, les lesbiennes et les enfants.

En juin 2005, l'EZLN lance une nouvelle initiative, la sixième déclaration de la fôret de Lacandone, où elle appelle aussi bien les organisations politiques que les individus à s'organiser en un mouvement national afin de restructurer les relations sociales, de définir un Programme national de lutte et de créer une nouvelle cons
titution politique qui régirait la République Mexicaine en tenant compte des demandes du peuple mexicain. Entre le 5 août et le 18 septembre 2005, l'EZLN organise des réunions avec des organisations politiques de gauche, des organisations des peuples indiens, des organisations sociales et des ONG, des collectifs culturels et artistiques, mais aussi des femmes, des hommes, des vieux et des jeunes qui à titre individuel, familial, de communauté, de rue, de quartier ou de voisins souscrivent à la sixième déclaration de la forêt Lacandone. Cette nouvelle initiative indépendante prendra le nom de "L'Autre Campagne". Dans son message de clôture, Marcos a précisé que l'EZLN voyait comme « urgente et primordiale » la solidarité et l'entraide entre tous ceux et celles qui forment l'Autre Campagne : « la première chose que doit faire l'Autre Campagne est de protéger tous ses membres, ce qui veut dire que nous ne pouvons permettre ce que l'on fait à l'un d'entre nous, et que nous allons nous mobiliser par tous les moyens civils et pacifiques que nous avons, pour le protéger, l'aider, être solidaire avec lui parce que la vocation première d'une organisation est de protéger ses membres ». Puis il a fait un décompte des organisations, groupes et collectifs présents et de ceux manquants à ce qui allait devenir les premières réunions d'adhérents de l'Autre Campagne, avant de reconnaître que « d'aucune manière nous ne sommes majoritaires nous devons construire quelque chose afin que n'importe lequel de ces camarades qui n'a pu venir pour quelque raison que ce soit, sache que ce lieu lui appartienne » ...

El "Sub" Marcos

« Camarades, l'Autre Campagne n'est déjà plus à nous ; je veux dire par là qu'elle n'appartiens plus à nous seuls […] Nous voulons qu'ils sachent qu'en tant qu'Armée zapatiste de libération nationale c'est un honneur de les avoir comme camarades. En disant cela nous leur disons que nous nous rejoignons par la camaraderie et l'honnêteté, et avant tout par la la loyauté envers vous tous, la même loyauté que nous avons eu envers nos communautés, à présent nous l'avons aussi envers vous. Après vous avoir entendu et vu travailler nous pensons que nous avons eu beaucoup de chance de vous rencontrer. Ce sont vous, les hommes, femmes, autres, enfants et personnes âgées, qui faites partie du meilleur qu'a ce pays. Quel bonheur de vous avoir trouvés. J'espère que nous continuerons à avancer ensemble longtemps. »

Sous-Commandant insurgé Marcos

Zapatistes, Chronique d'une rébellion (2/4) : ¡ Fuera !

mardi 16 mars 2010

Le 16 janvier 1996, ont été signés Les Accords de San Andres par les représentants du pouvoir exécutif, une commission du pouvoir législatif qui comptait parmi ses membres, des députés et des sénateurs de tous les partis politiques mexicains, et par les représentants de l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale). Ils se proposaient, à travers un pacte social, de créer une nouvelle relation entre l'état mexicain et les peuples indigènes. En synthèse, une des trois conclusions de base des documents signés ce 16 février 1996 par le gouvernement fédéral et l'EZLN, stipule :

"Le gouvernement s'engage à mettre sur pied, avec les différents secteurs de la société et dans le contexte d'un nouveau fédéralisme, un nouveau pacte social qui modifie à la base les relations sociales, politiques, économiques et culturelles avec les peuples indigènes. Le pacte se devra d'éradiquer, dans la vie publique et au quotidien, tout ce qui pourrait conduire à une quelconque subordination, inégalité ou discrimination, et devra concrétiser les droits et les garanties inhérents, c’est à dire : droit à leur différence culturelle ; droit à l'habitat ; droit d'occupation et d'utilisation du sol conformément à l'article 169 de l'OIT ; droit à l'autogestion politique communautaire ; droit au développement de leur culture ; droit aux systèmes traditionnels de production ; droit à la gestion et à l'exécution de leurs propres projets de développement".

La table des négociations

Malheuresement le president mexicain, Ernesto Zedillo Ponce de León, refute cette signature (pourtant approuvée par les élus du peuple). L'EZLN accuse alors le gouvernement de ne pas respecter les promesses faites à la table des négociations et décide de se retirer dans les jungles du Chiapas. Le président Zedillo saute sur l'occasion pour renforcer la présence militaire dans cette région. De plus, les groupes paramilitaires (armés et protégés pas l'armée mexicaine et les grands propriétaires, liés à l´extrême droite et au narcotrafic) se font de plus en plus présent. Commence alors une guerre de basse intensité basée sur le harcelement des communautés indigènes et zapatistes par l'armé et les paramilitaires.

¡Fuera! Femmes indigènes protestant contre la présence militaire

Le 22 Décembre 1996 dans le petit village d'Acteal, au nord du Chiapas, une société civile indigène de 300 personnes (la société civile des Abejas) non violente et ne comprenant aucun zapatiste dans ses rangs, s'est réunie pour prier. C'est alors qu'une cinquantaines de paramilitaires (opposés aux zapatistes) armés de machettes et d'armes à feu font irruption et entament un véritable massacre. Ils poursuivent même les rescapés et achèvent les bléssés. Bien que l'armée mexicaine soit présente à moins de 200m du lieu même, elle n'interviendra pas durant les heures que dureront ce massacre. On apprendra par la suite que la police a essayé de protéger les paramiliraires en tentant notament de faire disparaitre les corps. En 2006, sous la pression du peuple mexicain les autorités condamnent les responsables du massacre à (seulement) 25 ans de prison (le minimum prévu par la loi, le juge ayant tenu compte du degré de pauvreté, d' ignorance et de fanatisme religieux des paramilitaires..). Mais le 12 août 2009, la court suprême de justice décide de libérer purement et simplement 26 prisonniers pour l'équivalent mexicain d'un "vice de forme". Les indigènes se souviennent amèrement de ce que l'on a appelé le Massacre d'Acteal où 45 personnes innocentes dont 21 femmes (dont 4 enceintes), 14 enfants et un nourisson trouvèrent la mort.

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"Nous autres Indiens, nous étions invisibles, il a fallu que nous nous cachions le visage pour que l'on nous voie."

Délégation zapatiste
[A suivre..]

Zapatistes, Chronique d'une rébellion (1/4) : Ya Basta

jeudi 4 mars 2010

Le 1er janvier 1994 alors que le présdident mexicain Carlos Salinas de Gortari célèbre l'entrée en vigueur de l'Accord de Libre-Echange Nord-Americain (ALENA), une guerilla jusqu'à lors inconnue descend des montagnes du Chiapas et réussi à occuper la ville de San cristobal de Las Casas. Cette guerilla, formée de paysans indiens qui ont décidé de faire entendre leur voix , prend le nom d'EZLN (Ejercito Zapatisata de Liberación Nacional ou armée zapatiste de liberation nationale) en hommage au révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata. Ils revendiquent le droit à la terre, au logement, à la santé, à l'éducation, au travail et à la justice mais aussi la reconnaissance de leur identité et de leur culture en tant que peuple indigène. Rappelons que le Chipas, qui compte près d' un millions d'indiens (soit un tier des habitants contre 10% sur l'ensemble de la population mexicaine) est l'état le plus pauvre du Mexique (plus de 80% des communautés indigènes n'ont ni eau potable, ni hopitaux, ni électricité, la moitié de la population souffre de dénutrition et environ 80% des enfants souffrent de malnutrition, le tier des enfants n'est pas scolarisé...).

Le drapeau de l'EZLN

La date choisit par les insurgés est donc symbolique : affirmer le rejet de l'impérialisme et du néoliberalisme. Les combattants, aux visages cachés par des passe-montagnes déclarent la guerre au gouvernement fédéral et à son armée et parviennent à occuper divers chefs-lieux de l'état dont San Cristobal et Occosingo. Avec la premiere déclaration de la forêt de Lancandone, l'EZLN revendique : "travail, terre, logement, alimentation, santé, éducation, indépendance, liberté, démocratie, justice et paix".

"AU PEUPLE DU MEXIQUE, FRERES MEXICAINS,

Nous sommes le produit de cinq cents ans de lutte, d’abord contre l’esclavage, durant la guerre d’Indépendance contre l’Espagne menée par les insurgés, ensuite contre les tentatives d’expansionnisme nord-américain, puis pour promulguer notre Constitution et expulser l’Empire français de notre sol, enfin contre la dictature porfiriste qui refusa une juste application des lois issues de la Réforme. Du peuple insurgé formant ses propres chefs surgirent Villa et Zapata, des pauvres comme nous, à qui on a toujours refusé la moindre formation, destinés que nous étions à servir de chair à canon, afin que les oppresseurs puissent piller impunément les richesses de notre patrie, sans qu’il leur importe le moins du monde que nous mourions de faim et de maladies curables ; sans qu’il leur importe que nous n’ayons rien, absolument rien, ni un toit digne de ce nom, ni terre, ni travail, ni soins, ni ressources alimentaires, ni instruction, n’ayant aucun droit à élire librement et démocratiquement nos propres autorités, sans indépendance aucune vis-à-vis de l’étranger, sans paix ni justice pour nous et nos enfants.

Mais nous, AUJOURD’HUI, NOUS DISONS : BASTA ! Nous, les millions de dépossédés, héritiers des véritables fondateurs de notre nationalité, nous appelons tous nos frères à suivre cet appel, seule possibilité pour ne pas mourir de faim devant l’ambition insatiable d’une dictature vieille de soixante-dix ans, dirigée par une bande de traîtres qui représentent les groupes les plus conservateurs, les bradeurs de la patrie. Ce sont les mêmes que ceux qui se sont opposés à Hidalgo et à Morelos, qui ont trahi Vicente Guerrero, les mêmes qui ont vendu plus de la moitié de notre sol à l’envahisseur étranger, qui ont amené un prince européen pour nous gouverner, les mêmes encore qui ont formé la dictature des scientifiques porfïristes, qui se sont opposés à l’expropriation des compagnies pétrolières, qui ont massacré les cheminots en 1958 et les étudiants en 1968, les mêmes enfin qui, aujourd’hui, nous prennent tout, absolument tout"

Extrait de La première déclaration de la forêt de Lacandone, 1er Janvier 1994

Combattant(e)s zapatistes

La réponse du gouvernement est immédiate et aprés 12 jours de combats qui firent entre 145 et 46 morts selon les sources, le président ordonne un cessez-le-feu unilateral et entame un premier dialogue avec l'EZLN dans la cathédrale de San Cristóbal de Las Casas. L'évêque de San Cristóbal, Samuel Ruiz García, sert de médiateur. Pour prouver sa bonne volonté, le gouvernement libère les prisonniers zapatistes et l'EZLN livre son unique otage, le Général Absalón Dominguez, ancien gouverneur du Chiapas. Mais le gouvernement fédéral ne peut pas dialoguer plus en profondeur avec un mouvement rebelle. Pour obliger le gouvernement à les prendre au sérieux, les zapatistes rompent l'encerclement imposé par l'armée fédérale et prennent sans recourir à la violence plusieurs chefs-lieux municipaux , qu’ils transforment en municipalités autonomes et rebelles. S'en suivent deux ans de dialogue jusqu'en février 1996 et les accords de San Andrès...

[A suivre...]